Le projet de naissance, c’est vraiment un sujet qui m’était inconnu. Là encore, un sujet que j’ai découvert via la blogosphère, les réseaux sociaux. Personne dans mon entourage qui n’en avait fait. Si parfois ces découvertes m’inspirent, là je dois dire que c’est un sujet qui ne me parlait pas plus que ça.
Je n’imaginais rien pour mon premier accouchement, je n’avais rien de précis en tête, je ne pensais pas à un accouchement “naturel” ou quoi, je n’avais aucune feuille de route. Heureusement finalement quand on sait comment les choses ont tourné. Même si certaines choses sont dures à accepter, forcément, je me dis que de ne pas avoir eu d’idées très arrêtées en projet de naissance avant m’a peut-être, peut-être, aidé à digérer un peu mieux les événements.
Alors forcément, pour mon deuxième accouchement, de jumeaux qui plus est, là non plus je n’avais pas de projet de naissance. Déjà car une nouvelle fois, je n’avais pas d’envies précises, je crois. Et surtout je ne savais désormais que trop bien qu’un accouchement ne se passe pas toujours “idéalement”. Sans être fataliste, ou tout du moins en essayant de ne pas trop l’être au vu des circonstances, je ne voulais pas m’imaginer des choses qui n’existeraient peut-être que dans ma tête et jamais dans ma réalité. Alors je n’y ai pas pensé, et de toute façon pourquoi ? Ça ne m’intéressait pas tant que ça de toute façon.
Et puis une petite remarque anodine chez la psychologue une fois. Je lui dis en riant que j’avais demandé à mon mec de réfléchir à une playlist pour la salle de naissance, que j’avais bien envie d’avoir un peu de musique et que j’espérais bien qu’il allait vite s’y mettre. Elle a dû me répondre que c’était une bonne idée pour mon projet de naissance. J’ai répondu “ah mais non, mais je n’ai pas de projet de naissance”. J’ai été étonnée qu’elle me dise que j’avais quand même parlé de 2-3 choses, en me citant des phrases que j’avais pu lui dire. Ah oui, c’est vrai. “Mais ce n’est pas un projet de naissance vraiment défini vous savez, je n’ai rien écrit, c’est juste comme ça quelques envies”. Elle m’a dit que je devrais les écrire justement ces envies. Pas forcément en projet de naissance formalisé pour l’équipe de maternité, non, juste pour moi. J’ai trouvé que c’était une drôle d’idée.
J’ai trouvé que c’était une drôle d’idée, mais un jour de fin de grossesse, je me suis retrouvée devant une feuille de papier, le crayon à la main, prête à coucher sur le papier ces quelques idées qui me trottaient dans la tête. C’est bête en plus de les écrire, moi qui fait tout à l’ordi, mais devant mon écran rien ne venait. J’ai écrit un truc, deux truc. Et j’ai commencé à pleurer. Rien de fou pourtant, juste ces quelques envies. Toujours les mêmes que la dernière fois en fait, la voie basse si possible et sans épisio s’il vous plaît, le papa à côté, pas de déclenchement… Et puis cette fois, un peu de musique pendant le travail, juste ça. Et une péridurale moins dosée pour pouvoir mieux sentir les contractions. Et cette fois, j’avais envie de pouvoir sortir le bébé moi-même. De couper l’un des cordons. Que le papa coupe l’autre cordon. Et puis un peau à peau, cette tétée de bienvenue… à enfin découvrir… Et finir par écrire sur cette feuille, tout en bas, que j’aimerais ne pas presque mourir cette fois.
J’ai beaucoup pleuré, et j’ai déchiré ce projet de naissance. C’était ça au final le besoin. Ecrire noir sur blanc ce que j’aimerais, c’était aussi écrire ce que j’aurais aimé avoir pour mon premier accouchement. Ce peau à peau que je n’ai pas eu et qui me hante toujours, les quelques secondes si courtes où on a mis mon petit chat sur mon ventre et qu’il n’est finalement jamais revenu. Cet accouchement que je n’ai pas eu et que je n’aurais jamais. Ce futur accouchement que j’allais peut-être avoir, peut-être pas, mais qui ne changerait jamais ce qui c’était passé. Ce n’était pas ce qui comptait à ce moment là. C’était pour dire au-revoir, pour tourner une page. Je n’en avais pas besoin.
Le jour de mon accouchement, j’ai simplement dit à l’oral ce que je souhaitais. La sage-femme a dit d’accord, et l’a noté dans le dossier. Tout simplement, sans plus de formalités.
Mes photos de grossesse ont été réalisées chez Awen photo
8 comments
Un article très émouvant !
Je n’ai pas écrit de projet de naissance. Je suis partagée à ce sujet. D’un côté, je trouve ça très bien que les femmes se réapproprient davantage leur accouchement et précisent ce qu’elles aimeraient et ce qu’elles n’aimeraient pas. D’un autre côté, j’ai dans mon entourage, ici en Allemagne, des femmes qui avaient tellement préparé et idéalisé cet accouchement naturel sans péridurale, etc. qu’elles ont été extrêmement déçues quand leur accouchement a été différent.
Il y a tellement de périmètres qu’on ne maîtrise pas dans un accouchement.
Je suis bien d’accord avec toi, c’est difficile de trouver le juste milieu entre affirmer ses envies et réussir à faire la part des choses quand tout ne se passe pas exactement comme on l’avait imaginé.
C’est un billet très fort, il m’a beaucoup touché.
Ecrire des mots permet de panser les maux.
Je suis heureuse de lire que même si ça n’était pas le but initial, ca vous a aidé à tourner une page. Et finalement, si vos désirs ont été entendus à l’oral alors c’est l’essentiel !
A bientôt,
Charlotte.
Oui, au final les mots avaient une importance sur le papier, pour « les faire sortir ». Mais je suis contente d’avoir pu exprimer mes envies seulement à l’oral, c’était suffisant pour moi et j’ai été réellement écoutée.
Joli post ! Je trouve en effet le concept de « projet de naissance » en soi un peu artificiel et peut-être que de figer sur papier ses envies rend en effet plus difficile d’accepter les imprévus. D ’un autre coté tu re-transcris très bien comment cet exercice semble t’avoir aidé à t’autoriser à rever d’un bel accouchement à défaut de le plannifier.
Je suis totalement d’accord avec toi, je crois que si j’avais « rendu ma copie » à la maternité j’aurais eu le sentiment d’échouer si tout ne s’était pas passé comme mes envies. C’est je trouve tout le paradoxe de l’exercice…
Tes récits (celui-ci et celui de ton premier accouchement) m’ont beaucoup touchée. Je trouve aussi que le fait de mettre le projet de naissance par écrit en fait presque un projet formel du type projet professionnel qu’on va forcément accomplir. J’ai eu la chance de pouvoir accoucher à la maison de mes quatre enfants, mais je n’ai jamais rédigé de projet de naissance, j’ai préféré discuter avec les sages-femmes qui m’ont accompagnée.
En fait, plus j’y pense, plus je crois que le cœur du projet de naissance devrait être la confiance réciproque entre soignants et future maman : pouvoir faire confiance aux décisions d’effectuer des actes médicaux (épisio etc. personne n’en veut dans un projet de naissance, pourtant on préfère toutes une intervention médicale plutôt qu’une complication irrattrapable) d’un côté et confiance dans la parole et les ressentis de la maman de l’autre (parfois les soignants en ont tellement vus qu’ils oublient qu’on a aussi des infos de premières main à leur donner sur notre situation personnelle 😉 ).
Merci pour ton message Esthel. Tu as totalement raison, cette confiance réciproque devrait être la règle. Du temps et de l’écoute, ce qui n’est pas toujours facile, et pourtant si essentiel…