J’attends. J’attends tout le temps dans ma vie depuis plusieurs années. J’attends que l’horizon s’éclaircisse et cela ne vient jamais, mais comme on dit “après la pluie le beau temps” alors j’attends encore.
Je passe ma vie à attendre. A attendre la fin d’une séance, un N-ième rendez-vous à moitié inutile, un bilan qui me fera du mal, une prochaine réunion qui me tordra le bide, la fin du tunnel du matin, du soir, de la journée en espérant que je m’endormirais profondément, des progrès qui viennent quand on ne s’y attend pas ou plus, ou qui ne viennent pas vraiment, une aide qui ne soit pas superficielle, une compréhension réelle, un sens qui jamais ne se dévoile. A attendre que “ça” passe, mais c’est quoi “ça” ?
Je ne compte plus mon temps dans les salles d’attente, ce temps perdu, ce temps qui ne sert à rien. Ces salles d’attente aux murs de couleurs généralement un peu défraichis, pas trop mais un peu quand même. Vous savez, quand un intérieur est tout blanc on dit toujours que “ça fait hôpital”, mais en vrai quand vous avez des enfants, dans les ailes de l’hôpital des enfants ou dans tous les cabinets de prise en charge d’ailleurs, il y a toujours des couleurs. Ça part d’une bonne intention je trouve, c’est plus gai le côté coloré, non ? En vrai ça ne l’est jamais, toujours un peu raté, trop pastel, trop jaune un peu passé, trop vert mais pas la bonne nuance, trop de motifs de poissons ou de nounours faussement bienveillants. Tu les connais par cœur, t’as eu le temps de les observer depuis des années, de voir l’endroit où le papier peint se décolle, où la ligne n’est pas très nette et s’écaille. Même quand c’est une nouvelle salle d’attente où tu n’es jamais allée, tu la reconnais. Son atmosphère de tristesse enfouie, son parfum d’attente stérile éternelle, son ambiance de déception aux coloris en “âtre”. Ses jouets sans piles qui déçoivent tous les gamins.
Il y a les salles d’attente de l’habitude, quand tu sors machinalement ton téléphone pour compulser Instagram qui ne s’actualise jamais assez vite. Ô bien sûr que tu te dis que ça serait bien mieux d’ouvrir un bouquin, toi qui n’a “plus jamais le temps” de lire mais en vrai quand ton cerveau passe 30-45-60 minutes à te répéter en boucle très très très doucement “t’as pas envie d’être là t’as pas envie d’être là t’as pas envie d’être là”, ça devient vraiment dur de se concentrer, même sur quelques lignes de chick-litt ou un polar ultra convenu où bien entendu l’héroïne célibataire-mais-plus-pour-très-longtemps s’envoie un petit verre de Chardonnay dans sa cuisine. Il y a les salles d’attente où tu rêves de rester, aussi étonnant que ça puisse paraître, mais tout sauf suppléer un docteur/infirmier/aide-soignant pour maintenir ton fils et lui imposer un truc franchement pas drôle, tout en supportant les “il ne se laisse pas faire hein, pas facile, pfffff” (‘non connard, il a 4 ans et il vient ici tous les 4 matins donc lâche-lui la grappe” ⇐ phrase que tu ne dis jamais car tu es bien élevée). Il y a ces rares, très rares, salle d’attente où tu vas échanger quelques mots avec une maman, car tu ne vois que des mamans jamais de papas, souvent du small talk purement social qui te gonfle mais parfois, encore plus rarement, 3 phrases ½ où nos solitudes se téléscopent et se sentent enfin comprises. Il y a les salles d’attente où tu craques, où l’angoisse te submerge, où tu as l’impression que la vie de ton gamin se joue dans ces quelques minutes de bilan qui se déroulent là maintenant (mais ça n’est jamais le cas, ça aussi tu le sais, et pourtant).
J’attends que l’horizon s’éclaircisse donc. Je reste sous la pluie, sous les nuages gris, sous ceux qui parfois s’estompent un peu, quelques rayons de soleil qui filtrent, tu y crois, et puis non revoilà une légère averse, parfois le déluge, parfois un orage qui sent si fort quand il martèle le bitume chaud. Ma vie est une salle d’attente.
15 comments
Pourvu que l’attente finisse par de belles choses <3 Je pense souvent à vous, j'espère que ça ira
Merci <3 Il faudra surtout apprendre à vivre avec
Tellement vrai ! Je déteste aussi ces rv pendant lesquels je dois la maintenir, la bloquer pour qu’on puisse faire l’examen. Je te souhaite beaucoup de courage et pense bien fort à toi et à vous.
On est d’accord, c’est les pires moments ça… Je déteste, mon fils me parle encore d’un IRM où j’ai dû lui maintenir la tête pendant qu’on le bandait alors qu’il avait peur… Je m’en veux tellement de lui imposer ces moments… Merci pour ton message, et beaucoup de courage à toi aussi <3
Merci pour ces mots très justes qui traduisent également ce que j’ai pu ressentir parfois, souvent, à chaque rendez-vous, en fait. Il est vrai qu’à certaines consultations, on se dit « ce qu’ils vont nous annoncer sera décisif pour le futur de mon enfant ». En réalité, c’est plutôt « il faut voir, on ne sait pas, on se revoit dans 6 mois pour voir l’évolution ». Et l’inquiétude reste intacte. Bon courage à vous et à votre petit guerrier.
Tu as tout à fait raison, c’est tellement ça… On suit l’évolution, c’est à la fois rassurant et angoissant… Merci pour ton message <3
En te souhaitant que ces moments d’attente deviennent de moins en moins nombreux …. plein de courage et de soutien à toi et à ton petit Chat, vous êtes si courageux tous les 2.
Merci <3 Les choses évolueront avec le temps, mais il faudra surtout apprendre à vivre avec...
C’est un très bel article qui me rend malheureusement bien triste pour toi. Plein de pensées <3
Merci beaucoup <3
Ton article est très émouvant, tout y est dit. Je te souhaite de ne plus attendre (au sens figuré, je sais bien que les salles d’attentes sont inévitables pour vous) et de profiter de ta vie comme elle est. Ou en tout cas d’attendre tout en profitant de ta vie. On ressent tellement d’amour pour ton fils dans tes articles.
Merci beaucoup Elise <3
J’ai découvert ton blog il y a peu de temps, et tes textes m’ont souvent beaucoup émue. On ressent tout l’amour que tu as pour ton petit chat, et toute la détresse aussi d’une maman qui aurait souhaité que les choses se passent différemment. Je ne peux que t’envoyer des tonnes de pensées et de courage. J’espère que vous arrivez malgré tout à trouver des moments de bonheur en famille.
Merci beaucoup pour ton gentil message <3