La prématurité, c’est quelque chose que je ne connais pas. Pendant longtemps, j’ai pensé que c’était “juste” des bébés nés trop tôt, qui devaient rester un peu à l’hôpital et ensuite tout allait bien. Je n’avais aucune idée, je n’ai toujours aucune idée, de la réalité du combat. Des premiers jours, des premières semaines, des premières années parfois. J’ai effleuré tout ça du bout du doigt quand mon aîné était hospitalisé en néonat, que j’ai vu les petites crevettes qui partageaient son quotidien. J’ai vu leurs parents, et sans connaître leur combat je me doutais quelles étaient leurs angoisses. Je me suis rendu compte que la prématurité, c’était plus complexe que “juste un bébé né trop tôt”.
Quand vous attendez des jumeaux, il est difficile de faire abstraction de la question de la prématurité. C’est un peu associé à l’imaginaire du monde de la gémellité. Moi même dès l’annonce de ma grossesse gémellaire j’ai pensé que j’accoucherais “forcément” de prématurés, que pour des jumeaux c’était systématiquement le cas. Vraiment une idée reçue comme je l’ai rapidement découvert. J’ai eu “la chance” d’avoir un gynécologue qui m’a tout de suite rassuré, et surtout qui m’a expliqué précisément les choses. Que oui, le risque de prématurité étaient plus important quand on attend deux bébés, c’est vrai. Mais que la moitié des grossesse gémellaires se poursuivent au-delà de la “limite” des 37 SA qui signe la fin de la prématurité, et que quand bien même la plupart des bébés qui naissent prématurés dépassaient les 32 SA pour faire donc partie de la prématurité dite “moyenne”. Des données rassurantes donc, qui m’ont tout de suite permis de balayer mes doutes et de ne plus y penser. Tout du moins tout le début de ma grossesse.
En fait, pour vous dire, ma peur de la prématurité je l’ai exprimé à mon gynécologue dès que je lui ai annoncé ma grossesse, avant même de savoir que j’attendais deux bébés. Disons qu’avec notre histoire, j’ai plus ou moins dit “la prématurité, je ne veux pas”. En découvrant le monde du handicap, j’ai forcément découvert des histoires de prématurité compliquée. Et j’avais terriblement peur de ça, de la très grande ou de la grande prématurité, et des séquelles possibles. Nous n’en avons donc beaucoup parlé, de ces “seuils de grossesse à atteindre”, de ma peur. Quand j’ai su qu’ils étaient deux, heureusement que j’ai tout de suite été rassurée. Puis comme pour beaucoup de choses j’ai enfoui mon angoisse dans un coin de ma tête.
Les jours ont défilé et les 24SA sont arrivés. La date à laquelle la survie du bébé est possible. J’ai un peu retenu mon souffle. La zone grise de la prématurité, on y était. Ces 4-6 semaines où j’avais l’impression que tout pouvait se jouer. Avant, je n’avais pas peur, je crois que j’aurais invoqué la fatalité. Après les 30 SA, “raisonnablement” ça me semblait être un combat médical qu’il était possible de mener. Qu’il m’était possible de mener, moi, avec mes capacités émotionnelles. Difficile mais envisageable. Mais cette période de grande prématurité, cette zone grise, dire que je la redoutais est en-dessous de la réalité. Juste, je ne voulais. Je ne voulais pas des séquelles, du handicap “acquis”, de tout cela. J’en étais terrifiée. Une peur irraisonnée, que je me suis efforcée de mettre de côté, comme les autres.
Cet article m’a tourné dans la tête pendant toutes ces semaines de zone grise, et par superstition j’ai refusé de l’écrire à ce moment là. Peur de me porter malheur. Je me suis attelée à commencer la rédaction à 36+5, à 2 jours de la sortie “officielle” de la prématurité.
Vous savez la meilleure ? J’ai accouché à 36 + 6, moins de 4h avant d’arriver au jour des 37 SA. Un terme plus que correct donc, mais ces quelques minutes manquantes m’ont valu quelques remarques à la maternité où certains membres de l’équipe me parlaient de mes “petits prématurés”. Remarque qui avait le don de me mettre en rogne.
Comment avez-vous géré cette question de la prématurité enceinte ? C’est quelque chose que vous avez vécu, qui vous faisait peur ?
18 comments
Moi je n’y ai jamais vraiment pensé jusqu’à ce qu’à mon écho du troisième trimestre, on me dise « Ouh là, vous allez aller voir les sages femmes au deuxième, on vous garde » « Hein? Quoi? Comment? C’est pas possible j’ai une réunion avec mes parents d’élèves » « Ah bah vous pouvez toujours y aller mais vous risquer d’accoucher là bas » « Ah mais j’ai pas encore commencé les cours de préparation!!! » Bref, j’en rigole maintenant mais sur le coup je me suis fait peur (surtout que je ne ressentais pas de contractions). J’étais à 34 semaines donc dans la prématurité moyenne et fait amusant j’ai aussi accouché à 36+6 😉 Mais moi je n’en avais qu’un! Nous avons fait un passage prolongé en néonat’ mais pour d’autres raisons (un estomac mal placé ça fout bien le bazar). Et c’est vrai qu’on ne se rend pas compte de ce qu’est la prématurité, moi même je me disais « Oh c’est bon maintenant, il peut sortir » mais après avoir passé ne serait-ce qu’une journée en réanimation néonat’ et quand on voit toutes ces machines reliées à nos toutes petites crevettes, c’est vraiment anxiogène. Nous avons la « chance » de n’y être passés qu’en post’opératoire, et maintenant tous ces souvenirs sont derrière nous mais je pense que pour la prochaine grossesse j’aurai toujours une petite peur au dessus de la tête….
Ô le coup de stress que tu as dû avoir ! Et du coup finalement bébé est resté au chaud 3 semaines de +, comme quoi… 🙂 Je vois souvent des histoires de MAP qui vont jusqu’à des termes très honorables, et franchement c’est rassurant, c’est là que tu vois l’importance d’un bon suivi. Tu as raison, on ne se rend pas compte de ce qu’est la néonat réellement avant d’y avoir mis les pieds, ce n’est pas « juste » des bébés gentiment en couveuses qu’on surveille, c’est un quotidien tellement complexe…
Oui je me souviens très bien de la veille de mon accouchement… Papa en déplacement devait revenir juste un soir dans la semaine et comme je me sentais bizarre j’ai appelé la maternité pour savoir si je pouvais passer vérifier et on m’a dit « Oh vous savez y’en a beaucoup qui vont jusqu’au terme comme ça ne venez pas ça risque plutôt de faire travailler pour rien ». Pour moi ça n’a pas marché 😉
PLe « je me sens bizarre » il faut toujours l’écouter, c’est souvent un signe qui ne trompe pas 😉
Félicitations d’avoir atteint ce terme! 36+6 c’est vraiment super.
Moi j’ai plus subit que vécu la prématurité, à 27+5 hospitalisation en urgence à cause d’une prééclampsie + HELLP syndrome, à 28sa césarienne d’urgence et extraction du foetus.
Je n’ai vu mon fils que 2 jours plus tard, au loin, enfoui sous les cables dans sa couveuses, 7 jours plus tard, j’ai pu le toucher. 103 jours d’hospitalisation pour lui, 103 jours séparée de mon bébé, à venir le voir tous les jours de 7h à 21h, des hauts et des bas, des examens à gogo, plusieurs fois son cœur s’est arrêté, peur du lendemain puis petit à petit quand on voit qu’il va survivre, peur des séquelles à long terme, marchera t-il un jour?parlera t-il?…
Puis une fois sortis de l’hôpital, les précautions et les rendez-vous se multiplient, encore aujourd’hui à 18mois, il est suivi de très près. Heureusement, mon petit bolide va très bien, pas de problème de vue, quelques soucis de motricité réglés avec 6 mois de kiné 3x/semaine, mais c’est une pile électrique, il marche partout, parle tout le temps. Que du bonheur.
Une grosse galère que l’on est pas prêts d’oublier!
Je suis maintenant à 15sa pour bébé 2 et j’espère bien aller le plus loin possible.
Holala oui, quelle épreuve tu as dû vivre… Quelle saloperie la prééclampsie… 103 jours ça a dû te sembler infini, je n’imagine pas… Plein de belles choses à venir avec bébé 2 <3 <3
Je me suis toujours demandé si tu avais accouché de manière naturelle ou par césarienne? Je me rappelle que tu avais écrit un article à ce sujet mais il me semble que tu n’avais pas abordé les modalités de l’accouchement en lui-même. En tout cas, c’est super que tu aies pu mener cette grossesse à terme!
J’ai accouché par voie basse des petits ! Je n’ai pas encore posté d’articles à propos de mon accouchement, c’est prévu, j’ai tout ça dans mes brouillons depuis un moment mais j’ai l’impression que j’ai toujours besoin de beaucoup de temps pour publier ce genre d’articles.
Ici aussi grossesse gémellaire bi-bi, je connaissais le risque de prématurité plus élevé mais je n’y pensais pas plus que ça.
Et puis à 30SA+5 fissure d’une des poches, là le risque de prématurité m’a explosé à la figure et j’ai eu très peur d’accoucher ce jour là. Heureusement il n’y avait pas d’infection, ils m’ont donc gardée hospitalisée jusqu’à l’accouchement. Pendant mon séjour on m’a proposé de rencontrer l’un des pédiatres de néonat et j’ai pu poser toutes mes questions sur le déroulé de l’accouchement, le séjour en neonat et les risques selon le terme d’arrivée. Cela m’a beaucoup rassurée et j’avais l’objectif des 34SA qui me faisait tenir, mais je sentais bien que je n’irai pas au delà, donc je me suis préparée à l’inévitable neonat.
Finalement ils sont arrivés à 33SA+1, accouchement qui s’est très bien passé, à 2kg chacun et sans aucun problème respiratoire donc c’était une bonne base pour la suite. Il n’y a eu aucune complication pendant leur 23 jours de séjour, nous avons donc vécu leur hospitalisation relativement sereinement, enfin quel soulagement quand même quand ils sont passés en berceau au bout de 5 jours.
Ils ont eu 1 an il y a 1 mois et c’est vraiment à ce moment là que j’ai eu le cœur brisé que leurs vies aient démarré ainsi. Sur le coup j’avais trop la tête dans le guidon pour m’attarder sur mon ressenti.
Je suis étonnée en tout cas des remarques que tu as eu alors que tu as accouché quasiment a terme, je comprends ton énervement!
C’est exactement ça, quand on a la tête dans le guidon on ne se laisse pas le temps de réfléchir à la situation… C’est bien que tu ais pu voir un pédiatre avant l’accouchement, c’est précieux je trouve de savoir comment les choses vont se passer et comprendre le pourquoi du comment. Je dois dire que ça m’a beaucoup manqué pour le séjour en néonat de mon petit chat, je n’avais jamais eu en tête que ça pouvait être si long alors qu’il n’était même pas prématuré ! Pour les remarques, oui, c’était très étonnant, d’autant que la grande majorité de l’équipe me disait qu’au contraire c’était vraiment très bien ! J’espère qu’aujourd’hui tu as pu un peu « digéré » cette naissance prématurée <3
J’ai bien connu cette zone grise pour Charles, j’en avais un peu parlé aussi. L’alerte était déjà donnée 24 SA et j’ai commencé à souffler de nouveau à 30… La peur de cette zone grise est aussi quelque chose qui me dissuade beaucoup pour un troisième bébé. Nous avons eu de la « chance » avec deux prématurés légers déjà, est-ce que je ne vais pas tenter le diable avec une troisième grossesse ? En revanche c’est « drôle » la néonat’ m’a laissé un « bon » souvenir (décidément beaucoup de guillemets dans ce commentaire), y retourner ne me fait pas trop peur en tout cas… Mais seulement si c’est encore pour accueillir un bébé qui va bien et qui ne risque pas sa vie évidemment.
J’imagine bien que tu as dû te poser beaucoup de questions… Pour la néonat, j’ai envie de te dire « tant mieux » ! C’est rassurant de se dire que parfois ce sont aussi des séjours qui peuvent bien se passer, de l’attente certes… Pour un troisième bébé, j’imagine que si il devait tu serais aussi très suivie par rapport à ce risque ?
Je me sentais épargnée aussi de la prématurité et je n’y ai jamais pensé enceinte car je n’ai jamais eu de vraie difficulté ni même de contraction de toute ma grossesse. La question de la prématurité, je la vis aujourd’hui par procuration avec mon frère… Des jumeaux nés bien trop tôt à 29 SA… L’un d’eux n’a pas réussi à survivre, il est parti après quelques semaines de vie partagée avec son frère, son papa et sa maman… Très dur pour tout le monde! On comprend alors que la médecine ne peut pas tout résoudre même si on le savait déjà avant. Aujourd’hui, son frère est toujours en néonat, c’est long mais on a espoir que tout aille bien pour lui par la suite. Il faudra attendre quelques mois / années pour en être sûr! Je crois que pour une seconde grossesse, je vivrai l’idée de la prématurité bien différemment!
Ô je suis tellement désolée de lire cette nouvelle… Une grande pensée pour ton frère et toute la famille pour ce petit ange parti trop tôt, et j’espère que tout ira pour le mieux pour son frère. C’est un warrior !
Oh que oui !
chaque matin j’effaçais le « palmarès » de la veille et je notais le nouveau nombre de SA et de jours.
Travaillant dans le milieu du handicap, j’ai tellement entendu de parents me dire qu’ils auraient préféré pleurer un bon coup pour une fausse couche que de vivre l’enfer des prémas et surtout le parcours du combattant entre les découvertes au fur et à mesure des problèmes, du trauma familial, de l’aménagement chaotique à mettre en place (la mère devenant malgré elle sans emploi pour gérer) et avoir si peur de l’avenir. Et bien souvent en bonus un divorce à la clé.
Alors chaque jour était une petite victoire. Hélas j’ai été déclenchée à 38SA pour bébé « prêt » mais je savais que j’avais atteint mon seuil imaginé.
Désormais on me demande souvent quand nous aurons le second et quand je réponds qu’il n’est pas prévu d’agrandir la famille, je reçois des « vous faites bien vous ne tentez pas le diable ». C’est cru comme réaction mais on prend conscience définitivement que la grossesse n’est pas un long fleuve tranquille.
38 SA du coup c’est un très bon terme, cela a du être un soulagement ! Après, chaque grossesse est différente, et impossible de prévoir ce qui peut se passer.
Pour la grossesse de mes jumeaux, mon gynécologue m’a mise en arrêt à 5 sa. Aujourd’hui je le remercie de tout cœur car je considère que c’est grâce à lui que j’ai pu accoucher à de mes deux bébés en parfaite santé.
Pendant toute ma grossesse, ma hantise était de connaître la (grande) prématurité. J’ai vécu les différents seuils de la grossesse comme un soulagement, chacun m’éloignant un peu plus de cette épée de Damoclès qu’est la prématurité et des risques qu’elle peut engendrer, et cela jusqu’à l’accouchement à 37sa, sans passage en néonat…
J’ai une pensée pour ces femmes et ses familles qui n’ont pas eu ma chance. Certes, la grossesse n’est pas une maladie mais ce n’est pas non plus toujours une période simple et sereine…
Oui, j’ai aussi été arrêtée assez tôt avec comme mot d’ordre de mon gynéco « tout se passe bien, on va faire en sorte que ça continue comme ça » et je trouve que c’est important de ralentir pour se donner toutes les chances possibles. Comme tu dis, ce n’est pas toujours serein alors…